Appel urgent des Peuhls Bororo centrafricains r�fugi�s au Cameroun et au Tchad

Mémorandum à l'endroit du Gouvernement camerounais, du gouvernement tchadien, des agences humanitaires et de la communauté internationale

Nous, Peuhls-Bororo de la R.C.A, par la voix de notre organisation l'Association pour l'Intégration et le Développement Social des peuhls - Bororo de Centrafrique (AIDSPC), venons vous informer de la situation des peuhls centrafricains, une communauté minoritaire, marginalisée et très souvent premières victimes des crises successives qu'a connu notre pays.

Nous sommes des éleveurs et des gardiens de bétail dont nous ne sommes souvent pas les propriétaires. Depuis plusieurs années, à chaque changement de régime, nous sommes victimes de représailles : le nouveau nous accusant d'être à la solde du précédent.
Par exemple, lorsque Monsieur Ange Félix PATASSE arrive au pouvoir en 1993, son entourage et les membres de la garde présidentielle arrêtent et rackettent les éleveurs Peuhls-Bororo en les accusant d'être les gardiens du bétail et les partisans de son prédécesseur André Dieudonné Konlingba.

Plus tard après la chute du président PATASSE, les membres de la garde rapprochée de son tombeur, François BOZIZE, ont également arrêté arbitrairement et rançonné notre communauté, nous accusant d'être des coupeurs de route et des partisans du président Ange Félix PATASSE.

L'an dernier, après que seulement 300 peuhls centrafricains aient rejoint la Séléka, toute la communauté a été stigmatisée par le régime de Monsieur BOZIZE qui a ensuite mené des représailles contre nous.
Après son coup de force, la Séléka nous a accusés d'être les complices et gardiens de bétail des figures de l'ancien régime. C'est ainsi que depuis l'année dernière, nous sommes victimes de meurtres et de rackets. Sous la Séléka, les éleveurs peuhls se sont vus imposer, « un droit de pâturage » illégal variant de 500 000 à 10 000 000 FCFA par famille en fonction de la taille du bétail. Cette rançon était dix fois plus élevée que celle qui nous était imposée sous le régime de François Bozize.

Ce sont maintenant les anti-BALAKA également, qui tuent, torturent, violent et massacrent les Peulhs Bororo du fait de leur appartenance religieuse musulmane et en les accusant d'être de connivence avec les Sélékas.
Toutes ces exécutions et violations des droits des Peulhs ont entraîné des déplacements massifs des populations à l'extérieur du pays où la situation est loin d'être favorable

Au Cameroun, les membres de la communauté qui ont fui la R.C.A et ont réussi à traverser la frontière camerounaise ne sont pas encore pris en charge par le HCR. Quelques-uns sont encore bloqués à la frontière pour des raisons qui nous sont inconnues.

Selon nos représentants, les peuhls centrafricains à l'intérieur du territoire camerounais seraient déjà plus de 22.580 réfugiés majoritairement composés de femmes et d'enfants. Ces derniers rencontrent d'énormes difficultés à se faire enregistrer auprès du HCR et de la Croix Rouge internationale car nos communautés n'ont pas l'habitude de vivre en ville et de se confronter aux autres communautés. On nous a déjà signalé qu'à Kentzou, ville camerounaise situé à 210 km de Bertoua la capitale de la région de l'Est du Cameroun, la communauté peuhl - bororo centrafricaine a déjà enregistré de nombreux morts parmi lesquels des enfants de moins de 5 ans victimes de paludisme et de la malnutrition. Il nous a également été signalé des cas d'avortements involontaires faute de consultations prénatales. Les mêmes cas sont également enregistrés dans la ville de Garoua-Boulaï à 244 km de Bertoua.

Ils seraient également plus de 15 800 toujours bloqués en Centrafrique faute de moyen de transport pour leurs familles respectives pour arriver à la frontière. Les réfugiés peuhls bororos dont il est ici question sont dans la brousse. Leurs campements ont été attaqués par les anti-Balakas et le bétail est pillé par les Sélékas. Ils cherchent à rejoindre les zones habitées mais n'ont plus d'argent pour se déplacer. Pour traverser la frontière du Tchad ou du Cameroun on leur demande parfois des taxes illégales de 5000 francs par famille pour leur permettre de passer.

Au Tchad, de nombreux peulhs venant de la Centrafrique sont stationnés dans la zone du Logone oriental et du Chari-Baguirmie avec une forte présence en milieu rural (zones frontalières avec la RCA) et dans les périphéries des villes telles que Doba, Goré, Moyenne-Sido, Maro et Sahr. Des familles entières qui ne sont pas pour le moment pas prises en charge.

D'après nos représentants, les réfugiés peuhls centrafricains au Tchad sont repartis comme suit : 3000 (Moyenne-Sido), 2435 (Sahr), 350 (n'Ndjamena), 4320 (Goré) 2500 (Moundou). La majorité d'entre eux hésite à s'approcher du HCR de peur d'être à nouveau marginalisés comme dans leur pays d'origine.

Il faut signaler que de multiples champs non récoltés ont été dévastés sur le sol tchadien par certains troupeaux appartenant à des peuls centrafricains qui ont traversé la frontière tchadienne avec une partie de leur bétail. Une forte insécurité des biens et des personnes est perceptible dans les villes suscitées à cause de la circulation d'armes légères.

Ne rien faire serait suicidaire. Nous lançons un appel aux partenaires cités plus haut de venir au secours de cette communauté en détresse.

Nous demandons au gouvernement camerounais de faciliter la traversée des frontières camerounaises à cette communauté victime de toutes sortes de violences, de dénis de leurs droits et de leur réserver une hospitalité raisonnable conformément au droit international.

Nous demandons au gouvernement tchadien d'intervenir sans délai dans les villes de Doba, Goré, Moyenne-Sido, Maro et Sahr pour la sécurité des réfugiés peuhls centrafricains et de leur prise en charge raisonnable conformément au droit international.
Nous demandons au HCR, aux partenaires internationaux et à la communauté internationale, en attendant la stabilisation de notre pays d'origine et le retour au calme, d'utiliser tous les moyens requis pour l'installation des réfugiés Peulhs Bororo, de les accompagner pendant cette période difficile, matériellement, financièrement et juridiquement et de les aider à se réinstaller dans leur pays d'origine le moment venu. Nous demandons au HCR et à la Croix Rouge Internationale de mettre en place, en lien avec nos représentants, un dispositif particulier adapté à la communauté peuhl.

La communauté internationale doit aider à identifier et à traduire devant les juridictions compétentes les auteurs des crimes et des violations des droits des Peuls, donner aux forces internationales déployées en République Centrafricaine le mandat d'assurer la sécurité des Peuls Bororos présents dans les campements.

En espérant que notre mémorandum retiendra votre haute attention, Veuillez recevoir notre sincère gratitude.

Monsieur WAZIRI                                                                             Monsieur Aladji Ousmanou ALIHOU
Président AIDSPC, Réfugié à N'djamena (Tchad)                     Chargé de Communication AIDSPC, Réfugié à Bertoua (Cameroun) 

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